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Acompte sur dividendes : cadre légal, sanctions et obligations

La distribution de dividendes est une étape stratégique pour toute entreprise qui dégage un bénéfice. Elle permet de récompenser les associés ou actionnaires. Toutefois, lorsqu’un acompte sur dividendes est envisagé avant l’approbation des comptes annuels, il convient d’être particulièrement vigilant. Cette pratique est encadrée strictement par le Code de commerce, et une irrégularité peut entraîner de lourdes sanctions civiles et pénales.

I. Qu’est-ce qu’un acompte sur dividendes ?

Un acompte sur dividendes est une avance versée aux associés avant la clôture de l'exercice comptable, sous certaines conditions strictes. Contrairement aux dividendes classiques distribués après l’assemblée générale annuelle et l’approbation des comptes, les acomptes nécessitent des précautions supplémentaires.

Les conditions à respecter

Trois conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’un acompte sur dividendes soit légalement distribué :

  1. Établissement d’un bilan intermédiaire en cours ou en fin d’exercice.
  2. Existence d’un bénéfice distribuable, après déduction des amortissements, provisions, pertes antérieures, réserves légales et report à nouveau.
  3. Certification du bilan par un commissaire aux comptes.

👉 À noter : En l’absence de commissaire aux comptes, la distribution est automatiquement considérée comme irrégulière, même si des réserves existent. Il en est de même si aucun bénéfice distribuable n’est constaté dans le bilan intermédiaire ou si le bilan n’a pas été établi.

L’article L.232-12 du Code de commerce est clair :

« Tout dividende distribué en violation des règles ci-dessus énoncées est un dividende fictif. »

II. Quelles sont les sanctions en cas de distribution irrégulière ?

La distribution d’un acompte sur dividendes irrégulier peut entraîner des conséquences graves, tant civiles que pénales.

A. Sur le plan civil

Le dirigeant engage sa responsabilité en cas de préjudice causé par une distribution irrégulière. Il peut être contraint à :

  • Rembourser les dividendes indûment perçus,
  • Verser des dommages et intérêts à la société ou aux associés lésés.

B. Sur le plan pénal

La distribution de dividendes fictifs constitue une infraction pénale passible de sanctions lourdes :

  • SARL : article L.241-3 du Code de commerce → jusqu’à 5 ans de prison et 375 000 € d’amende ;
  • SA : article L.242-6 du même code → mêmes peines ;
  • SAS : article L.244-1 → application des règles de la SA ;
  • SCA : article L.243-1 → application également des règles de la SA.

Les éléments constitutifs de l’infraction

La jurisprudence et la doctrine retiennent quatre conditions pour caractériser une distribution pénalement répréhensible :

  1. Absence ou falsification de l’inventaire : il peut s’agir d’un bilan frauduleux (ex. : minoration du passif, absence de certification).
  2. Distribution effective d’un dividende : même en l’absence de perception, le simple fait de mettre les sommes à disposition suffit (Cass. crim., 28 mars 1936).
  3. Caractère fictif du dividende : lorsqu’il est prélevé sur des sommes non distribuables ou sans respect des procédures prévues.
  4. Connaissance de cause : le dirigeant doit avoir conscience du caractère irrégulier de la distribution.

III. Répétition des dividendes indûment distribués

Dans certains cas, les associés peuvent être contraints de restituer les dividendes perçus à tort.

A. Dans les SARL

L’article L.223-40 du Code de commerce précise :

« La répétition des dividendes ne correspondant pas à des bénéfices réellement acquis peut être exigée des associés. L’action en répétition se prescrit par trois ans à compter de la distribution. »

Ainsi, tout associé ayant reçu des dividendes indus peut être poursuivi pour restitution dans ce délai.

B. Dans les SA

Le principe général est l’impossibilité de demander la restitution à un actionnaire (art. L.232-17). Mais il existe une exception :

Conditions de restitution :

  1. La distribution a été faite en violation des articles L.232-11, L.232-12 ou L.232-15 ;
  2. Le bénéficiaire avait connaissance du caractère irrégulier ou ne pouvait l’ignorer.

Le délai de prescription reste de trois ans.

Il est aussi possible d’éteindre l’action en restitution si les administrateurs ou dirigeants remboursent eux-mêmes les dividendes indus.

En résumé

ÉlémentConditions clésRisques
Acompte sur dividendesBilan intermédiaire, bénéfice distribuable, certification CACDividende fictif en cas de manquement
SanctionsCiviles : remboursement, D&I
Pénales : amendes, prison
Responsabilité personnelle du dirigeant
RépétitionPossible en SARL et, sous conditions, en SAPrescription de 3 ans

💡 Conseil pratique : Avant de procéder à un acompte sur dividendes, il est fortement recommandé de faire appel à un expert-comptable et de vérifier la conformité de toutes les étapes, notamment en présence d’un commissaire aux comptes.